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Maria SCIVITTARO

18/08/2011 - Lu 13344 fois
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1891 - 1981
J’ai eu le privilège de croiser quatre fois le chemin de vie de l'immense virtuose qu'était Madame Maria SCIVITTARO.
 
Tout d'abord le 12 Mars 1950..... Madame SCIVITTARO avait prêté son concours au concert annuel du CERCLE MANDOLINISTE de COURBEVOIE, salle "Aristide Briand".....puis une seconde fois à l'issue des festivités du trentenaire du C.M.C. (voir année 1951) elle a donné un récital ; ce fut un émerveillement pour tous, singulièrement pour les jeunes que nous étions, à peine sortis de "l'Ecole Municipale de Musique" (pour ma part j'avais 15 ans).
 
Dix-neuf ans plus tard, en 1970, la grande Dame de la mandoline m'a reçu à son domicile, rue du Château à ASNIERES, pour une interview destinée à établir une biographie. Ce document a été présenté dans un ouvrage relatant, en 1971, "1/2 SIECLE DE MANDOLINE ET DE GUITARE".......l'histoire des 50 ans du C.M.C.
 
Enfin, après avoir créé le "Festival International" à Courbevoie (voir année 1972) j'ai pu récidiver à Angoulême en 1974 ; ce fut ma quatrième et dernière rencontre avec Madame SCIVITTARO. Elle a joué le "Concerto en Do majeur" de A. VIVALDI, accompagnée par l'ENSEMBLE INSTRUMENTAL CHRISTIAN SCHNEIDER auquel j'appartenais.
 
En 1970, Madame Maria SCIVITTARO m'a raconté, dans son style imagé et plein de vivacité, sa petite enfance avec...déjà, à 5 ans, une petite mandoline cet instrument qui convenait si bien aux jeunes filles de "bonnes familles" comme on disait en cette fin du XIXe siècle. Au cours de l'entretien elle a très vite "oublié" de parler d'elle-même pour m'entraîner sur deux chemins, à ses yeux, fondamentaux :
 
- tout d'abord son travail de recherche sur la position de la main droite condition essentielle... "d'un beau jeu et du chant de l'instrument"...
- ensuite une invitation à travailler..."toujours travailler et ...encore travailler"...
 
Ses aptitudes naturelles, ses dons exceptionnels, son talent...n'étaient pour elle que le fruit d'un travail, inlassable, continuel......
 
Il se dégageait de cet entretien une véritable leçon de volonté...Quelle incroyable énergie se dégageait de ce "petit bout de femme" d' apparence frêle. Quatre ans plus tard, à ANGOULÊME, le public du "Festival International" a eu cette même vision d'une petite femme, alors âgée de 83 ans, capable, avec une mandoline, de soulever des montagnes et de susciter un enthousiasme débordant des spectateurs.
 
Maria SCIVITTARO est née Margherita BOCCADORO, le 5 Août 1891 à TURIN en Italie.
 
Son Grand-Père , dont elle parle avec affection dans sa "lettre" à ses instrument du 14 Juillet 1979, était docteur et pharmacien à BITOUTO, près de BARI, (Pouille, talon de la "botte" italienne) mais surtout secrétaire particulier de GARIBALDI (et ami de MAZZINI) qui a lutté contre l'Autriche et le "Royaume des deux Siciles" pour l'unité de la nation italienne et a combattu aux côtés de la France en 1870-1871.
 
 Son Père, orfèvre et enthousiaste amateur de mandoline et de guitare, possédait une belle voix de baryton. Il lui donna ses premières leçons de mandoline et à l'âge de 5 ans elle continua sous la direction d'un excellent musicien qui avait nom, CAROSIO....dont elle jouera une œuvre, "Mandolinata", en 1957.
 
En 1898, elle avait 7 ans, elle obtient le "Premier Prix de Mandoline Solo" au Conservatoire de TURIN et devient soliste à la salle "Ristori" de la ville.
 
L'impression est telle que les artistes et personnalités influentes de la "Société du Piémont"  lui accordent leur patronage. Sa carrière commence alors sous les meilleurs auspices. C'est en Italie qu'elle donne ses premiers concerts de soliste accompagnée par son Père.
 
A 9 ans elle fait de longues tournées artistiques en Amérique latine comme mandoliniste concertiste. Son premier engagement sur ce continent la conduit au Casino de RIO DE JANEIRO. Son Père établit un contrat l'attachant à cet établissement. Mais ce contrat trop prenant et signé au détriment de ses études, est dénoncé....cependant les concerts se succèdent à SAO PAULO, PANAMA, CURITYBA, RIO GRANDE, PORTO ALEGRE, en URUGUAY,...etc...
 
Après six années de carrière dans cette Amérique latine, Maria BOCCADORO a 15 ans, et regagne son pays natal pour étudier à nouveau sous la direction de son Père mais la mort de sa Mère, en 1904, interrompt sa carrière artistique qui avait été jusque là un triomphal et rapide succès. Le choc affectif accabla tant son Père que tous les projets furent abandonnés.
 
A 23 ans elle reprend son activité artistique par une tournée européenne et moins d'un an plus tard, le 29 Mai 1915, elle épouse Monsieur Jules SCIVITTARO, 1er Grand Prix de Rome. Le couple s'installe à Paris.
 
C'est la guerre ; elle donne de nombreux concerts. Elle se consacre aux hôpitaux et devient membre fondateur du "Foyer du blessé", une œuvre dirigée par Monsieur Hubert PATY, basse noble de l'Opéra de PARIS,...puis elle interrompt à nouveau sa carrière pour se consacrer à sa famille.
 
En Août 1930 elle reprend son activité musicale professionnelle en qualité de mandoline solo à l'Opéra de Paris et pour des récitals radiodiffusés à "Radio Paris" . Elle signe alors son premier contrat d'exclusivité avec la firme "PATHE" en 1933...il sera renouvelé 4 fois. C'est aussi à cette époque qu'elle rencontre le compositeur Gustave CHARPENTIER, qui fut l'élève de MASSENET et Prix de Rome en 1887. L'auteur de "Louise" l'engage pour enregistrer "Impressions d'Italie".
 
La presse est unanime à louer son talent. Le journal "L'Indépendant" du 13 Novembre 1930 : " Madame Maria SCIVITTARO est l'une des plus brillantes interprètes de l'art mandolinistique....il est impossible de ne pas être intéressé par chacune de ses exécutions : nuances délicates et persuasives...." "La Dépêche d'Eure et Loir": "...Madame Maria SCIVITTARO donne une âme à son instrument......les vibrations des cordes sont rires et sanglots..."
 
En 1934 Maria SCIVITTARO a créé un cours de "Mandoline Classique" qui lui vaudra de nombreux élèves. A partir de 1945, après l'interruption due à la seconde guerre mondiale, elle donne de nombreux concerts tant à PARIS et province qu'à l'étranger...puis le cinéma fait appel à son talent. Elle participe à plus de 60 films.
 
Le "Courrier International de la Mandoline", dans son N° de Juin 1936, lui consacre un article dont ci-après quelques extraits : ".....Maria SCIVITTARO nous parle de ses projets...former un quatuor à plectres, etc...puis, elle nous fait entendre une de ses compositions où la perfection technique le dispute à la beauté de l'inspiration....Madame Maria SCIVITTARO est unes artiste...une véritable artiste..." Cet article est signé par le directeur de la publication : Mario MACIOCCHI...!
 
En 1937 elle accompagne, à l'Opéra de PARIS, André PERNET dans la "Sérénade" de "Don Giovanni"  de W.A. MOZART sous la direction de Fritz ZWEIG ; elle avoue avoir eu le trac .."un peu seulement...mais je l'ai vite surmonté...!"  De 1949 à 1960 elle effectue de nombreux enregistrements destinés au cinéma..."...une trentaine de films...et j'en oublie...!".
 
Le Japon aime et achète ses disques...L'Angleterre la réclame pour un concert à LONDRES et la B.B.C. organise une émission le 11 Avril 1939 dont le titre est : "Maria SCIVITTARO, sa mandoline"..!
 
Le 24 Juin 1951 c'est le "Kursaal Te Scheveningen" (Hollande) qui accueille Maria SCIVITTARO avec Tito SCHIPA...au piano Marcel BY de MARTHE.
 
C'est sans doute à Maria SCIVITTARO que le public français doit d'avoir redécouvert la musique d'Antonio VIVALDI, le "Prêtre roux" . En effet elle effectue la première audition du "Concerto en Do majeur"  lors d'une diffusion radiophonique en 1953...cette œuvre qu'elle rejouera 21 ans plus tard, on l'a vu, à ANGOULÊME.
 
Toute les grandes salles accueillent Maria SCIVITTARO...
 
De 1954 à 1959, l'Opéra de PARIS..."Don Juan", " Roméo et Juliette" de PROKOFIEFF sur une chorégraphie de Serge LIFAR......
L'Opéra Comique..dans des concerti de "Piccolo et Mandoline" d'A. VIVALDI sur une chorégraphie de Michel DESCOMBET (une trentaine de représentations).....
Le 20 Mars 1952 elle retrouve dans un concert à STRASBOURG la grande guitariste allemande Luise WALKER.....
Au théâtre GABRIEL de Versailles elle joue devant Sa Majesté le Roi de Suède ...
La salle PLEYEL l'accueille en soliste avec, à nouveau, Tito SCHIPA....
Le THEÂTRE DES CHAMPS ELYSEES la reçoit, encore avec Tito SCHIPA, et le guitariste Carlos MONTOYA .......
Puis....le PALAIS DE CHAILLOT avec les "Ballets soviétiques"...
 
A ces concerts publics il faut ajouter 106 émissions radiophoniques, en soliste , avec le regretté chef d'orchestre Pierre PAGLIANO. L'émission s'appelait …. "Mandoline".
 
L'Italie n'oublie pas l'origine de la grande virtuose. La "Federazione Italiana del Plettro" de MILAN annonce et rend compte d'un concert dans les termes suivants:
 
"...L''Ensemble de Pierre PAGLIANO avec Maria SCIVITTARO , mandoliniste soliste dans : "Mandolinata" de CARIOSO, "Czardas" de MONTI", "A Lei" de MUNIER, "Souvenir de Sicile" de LEONARDI.................Cette grande artiste se révèle, une fois de plus, une grande mandoliniste. Détachés parfaits et vertigineux,... trémolo "dolcissimo".... Sonorités variées et sens du rythme sans égal, ...nous confirment toutes les possibilités de réalisation de cette grande virtuose du plectre..................................Vélocité éblouissante et netteté. Les arpèges dans "Munier" sont du plus heureux effet. Les trilles sont parfaits. Broderies et phrasé...tout y est réussi...." Cet article est signé du critique musical Antonio BELLETTI.
 
La télévision, également, rendit hommage à Maria SCIVITTARO ; elle fut l'invitée de Madame Lucienne BERNADAC en 1956, 1957 et 1963. Pour la Télévision elle jouera en soliste dans le "Barbier de Séville" de PAISIELLO en 1963.
 
En 1957 elle participe à l'enregistrement de la musique du film "Un Roi à New York"...le chef d'orchestre est un certain...Charlie CHAPLIN...!!!! Le magazine "Jour de France" du 29 Juin 1957 présente une photo de cet enregistrement (malgré des recherches aux archive du magazine, l'original de ce document n'a pu être retrouvé ; j'en publie une photocopie, que je dois à l'amabilité du Professeur Charles LUZI, où l'on voit cependant bien Maria SCIVITTARO à la gauche de Charlie CHAPLIN).
 
De 1963 à 1966 elle donnera 25 représentations à l'Opéra Comique dans le " Concerto en Do majeur" de A. VIVALDI, avec orchestre, sur une chorégraphie de Michel DECOMBEY.
 
En 1967 elle réalise l'un de ses plus beaux enregistrements avec quatre pièces pour mandoline et piano de Ludwig VAN BEETHOVEN et une sonate pour mandoline et piano de Johann Nepomuk HUMMEL accompagnée par Robert VEYRON-LACROIX. La revue "L'Electronique" de juin 1967 commente ce disque réalisé par la firme PATHE :
 
" Nous révélant un aspect inconnu de BEETHOVEN cet enregistrement risque, de prime abord, de dérouter quelque peu ceux qui ignorent que ce grand compositeur n'hésitait pas , le cas échéant, à accorder son attention à la musique d'agrément et à un instrument dont la finesse mordante nous est surtout connue au travers des concerti pour une ou deux mandolines qu'écrivit VIVALDI.
............ on ne peut que s'abandonner à l'écriture mélodique de ces œuvres, servies ici.................................................... par une interprétation hors de pair. Mêmes remarques en ce qui concerne la seconde face de ce disque consacrée à la "Sonate en UT majeur" pour mandoline et piano de HUMMEL, dont le classicisme séduira plus d'un mélomane.............. ...................................l'exceptionnelle qualité de la gravure et du pressage de cet enregistrement à qui nous décernons, sans hésiter, la palme du meilleur disque de musique de chambre réalisé depuis longtemps...."
 
Madame Maria SCIVITTARO ne s'est pas seulement satisfaite de jouir de ses qualités de soliste virtuose ; elle se sent investie de la mission de transmettre son savoir, d'enseigner,... et son activité de professeur a produit d'excellents mandolinistes dont un exceptionnel disciple en la personne de Monsieur Christian SCHNEIDER.
 
Une biographie est le plus souvent l'énumération quelque peu austère des évènements, classés chronologiquement, de la vie d'un artiste. J'ai voulu échapper à cette froideur pour souligner la dimension humaine, affective, de Maria SCIVITTARO qui savait aussi, comme le dit le Professeur LUZI, "s'exprimer en langue française dans des poèmes d'une exquise délicatesse" .
 
En 1974, au "Festival International" d'ANGOULÊME, que j'ai déjà évoqué, j'ai pu sortir de la "biographie" pour vivre quelques moments de musique et d 'échanges avec cette grande Dame . Jamais, en 1950, je n'aurais pu imaginer approcher un tel "monument" de la musique plectrale et pourtant... !   Ce qui m' a alors ému, outre son talent, sa vitalité, son énergie à 83 ans,... c'est ce que j'appellerai son indulgente rigueur et sa soif de communication.
 
Elle fera encore un enregistrement pour le film de Monsieur SAUVAIRE, consacré à la mandoline, puis se retirera à DECAZEVILLE en 1981.
 
On lira plus loin un article de presse qui relate sa présence musicale à l'hôpital TINEL de DECAZEVILLE où elle s'éteindra le 28 Novembre 1981.
 
Deux ans plus tôt elle avait transmis à Monsieur le Professeur Charles LUZI,..."mon grand Ami"...écrit-elle, son héritage musical dont ses instruments. Plutôt que d'établir un banal document de succession elle a adressé une lettre d'adieu et de reconnaissance à......ses instruments..."la guitare de Grand-Père et la jolie et douce mandoline"....
 
Madame Maria SCIVITTARO est entrée dans la légende de la mandoline......dans l'histoire de la Musique.
 
 
Georges-Charles BERNARD 

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